Elle secoue sa jolie tête brune pour faire tomber les larmes qui glissent
mollement de ses yeux aux plis soyeux de son cou. Elle observe les gens qui
passent, cet amas compact d’individualités refoulées et de désirs corrompus qui
se pressent comme une seule vague sous la lumière des longs soleils
électriques. Ils s’avancent tous vers un but mal défini, ignorant cruellement
le petit corps radieux d’innocence qui les contemple, immobile sur un banc aux
planches froides derrière lequel sanglote bruyamment une petite fontaine. Elle
serre dans ses bras l’ours brun au regard triste, ce morceau de réconfort plus
solide qu’une chaîne qui la rattache à la splendide insouciance de son enfance.
Puis une
femme s’approche. Une femme hors du temps et de la masse, portée par un désir
de maternité inassouvi et une compassion frémissante.
« Maman m’a oubliée. », avoue la petite avec
une lucidité éclairée. Elle attrape la peluche douce aux grands yeux, la femme
saisi sa petite main et ils affrontent tous trois la marée d’existences qui
emporte dans son flot continu les paisibles minutes de vie.
De sa
grosse voix le haut-parleur recherche désespérément la maman, la jeune et jolie
maman, la maman qui a disparu. Mais seul l’écho de l’insoutenable brouhaha qui
se glisse sournoisement entre les rayons lui répond. Puis soudain une femme se
présente, élégante, rassurée. Ce n’est pas maman. Elle a perdu ses clés, elle a
une voix brouillée par l’inconnu, ce n’est pas maman. Les allées se vident, les
milliers de pas s’éloignent peu à peu puis les lumières s’éteignent. Maman
n’est plus là. Maintenant, l’innocent avenir de cette poupée de porcelaine qui
serre tendrement son nounours en versant de belles larmes rondes glisse entre
des mains étrangères et bienfaisantes. Maman n’est plus là.